Tadeusz KANTOR
Publié : 15 déc. 2009 14:54
TADEUSZ KANTOR
un homme de théâtre
Né en 1915, décédé en 1990. Metteur en scène, réalisateur de happenings, peintre, scénographe, écrivain, théoricien de l'art, acteur de ses propres spectacles, professeur à l'Académie des Beaux-Arts de Cracovie, Tadeusz Kantor mérite le nom d'artiste total. Son attitude artistique s'inspire du constructivisme et du dadaïsme, de la peinture informelle et du surréalisme. Tadeusz Kantor fait ses études à l'Académie des Beaux-Arts de Cracovie, avec le professeur Karol Frycz, éminent scénographe de l'entre-deux-guerres. Les premiers spectacles réalisés par le jeune Kantor (ORPHÉE de Jean Cocteau, BALLADYNA de Juliusz Slowacki et LE RETOUR D'ULYSSE de Stanislaw Wyspianski), sont mis en scène par le théâtre clandestin indépandant, fondé par l'artiste sous l'occupation nazie, et présentés dans des appartements privés de Cracovie.
Wielopole, Wielopole, 1980
Après la guerre, Kantor commence un travail de scénographe, principalement pour le Teatr Stary de Cracovie. Il continuera de s'occuper de décors (surtout abstraits) jusqu'à la fin des années 60. En 1947, l'artiste se rend à Paris, et ce voyage lui donnera l'impulsion de formuler sa conception personnelle de la peinture. L'année suivante, Kantor fonde LE GROUPE DE CRACOVIE et participe à la Grande Exposition d'Art Moderne à Cracovie. Au moment où les autorités communistes se mettent à imposer le réalisme socialiste dans l'art, l'artiste se retire de la vie publique. Les tableaux qu'il réalise après 1949 ne seront exposés qu'en 1955, une année-charnière dans la vie de l'artiste.
Qu'ils crèvent, les artistes, 1985
C'est en effet à cette date qu'à l'initiative de Kantor, un groupe d'artistes plasticiens, de critiques et de théoriciens de l'art, fonde à Cracovie le théâtre CRICOT 2, champ libre à la mise en pratique de ses idées artistiques. La première création de Cricot 2 fut LA PIEUVRE d'après Witkiewicz (1956). Le metteur en scène y met en relief la collision d'un texte sublime et d'un environnement vulgaire et banal, celui d'un café. LA PIEUVRE expose les éléments caractéristiques du style théâtral de Kantor: les acteurs se meuvent comme des fantoches, tandis que les techniques de construction des scènes remontent aux films muets.
Le spectacle suivant de Cricot 2, CIRQUE, d'après le drame d'un membre fondateur du groupe, le peintre Kazimierz Mikulski, présente une autre composante de l'art de Kantor: l'emballage. L'artiste utilise des sacs en plastique noir, dont il enveloppe les acteurs. L'emballage devait dérober les vraies formes des personnages et des objets, et les transformer en une substance homogénéisée. L'étape suivante fut le passage de l'emballage au "théâtre informel" (1960-62), théâtre automatique, régi par le hasard, par le mouvement de la matière. Le spectacle du "théâtre informel", LE PETIT MANOIR, d'après Witkiewicz (1961), ôte aux acteurs toute individualité, en les reléguant au rang d'objets.
La machine de l'amour et de la mort, 1987
Le "théâtre informel" s'avère toutefois insatisfaisant pour son créateur : Kantor le trouve trop complexe, comportant de nombreux éléments superflus. L'idée du "théâtre informel" fut donc bientôt supplantée par celle du "théâtre zéro", dépourvu de toute action ou intrigue (1962-1964). L'illustration la plus fidèle des principes du "théâtre zéro" fut le spectacle LE FOU ET LA NONNE d'après Witkiewicz, mis en scène par Kantor en 1963.
Ses recherches dans le domaine de la pratique et de l'esthétique des actions scéniques mènent Kantor au-delà du théâtre dans son acception traditionnelle. En 1965, il réalise les premiers happenings en Pologne: CRICOTAGE et LA LIGNE DU PARTAGE. Deux ans après, ce sont les célèbres happenings LETTRE et HAPPENING MARITIME PANORAMIQUE. Kantor affirme que le happening est une continuation logique de ses recherches et de ses actions dans les domaines du théâtre et de la peinture.
"Jusqu'à présent, je prétendais subjuguer la scène, dorénavant je renonce à toute scène, c'est-à-dire à l'espace qui reste dans une relation définie avec les spectateurs. Dans ma recherche d'un espace nouveau, j'ai à ma disposition, en principe, toute la réalité de la vie." (Kantor cité par Jan Klossowicz, "Tadeusz Kantor").
La Classe morte, 1975
Las du happening, Kantor se remet finalement à faire du théâtre. En 1972 il met en scène LES GRÂCES ET LES EPOUVANTAILS d'après Witkiewicz, spectacle qui assimile toutefois certains éléments du happening. Le spectacle LA CLASSE MORTE, mis en scène trois ans plus tard, marque le début d'un autre courant dans la création théâtrale de Kantor, désigné par lui-même comme "théâtre de la mort". C'est à ce courant qu'on rattache ses œuvres les plus importantes et les plus célèbres: WIELOPOLE, WIELOPOLE (1980), QU'ILS CRÈVENT, LES ARTISTES (1985), JE NE REVIENDRAI JAMAIS (1988) et AUJOURD'HUI, C'EST MON ANNIVERSAIRE (1991), ce dernier n'ayant été mis en scène qu'après la mort de l'auteur. Ces derniers spectacles ont une thématique qui se concentre sur les motifs de la mort, de l'écoulement du temps, de la mémoire et de l'Histoire qui y est pérennisée. Les spectacles du "théâtre de la mort" mettent en relief le principe de la "Réalité de la plus Basse Importance", présente dans toute l'œuvre de Kantor.
Wielopole, Wielopole, 1980
"Ce principe – affirme-t-il – m'oblige à placer les choses le plus bas possible et à les présenter par le moyen de la matière la plus basse, misérable, désarmée, dénuée de dignité, voire abjecte." (Cité par Jan Klossowicz, Tadeusz Kantor).
"Dire de Tadeusz Kantor qu'il est l'un des plus éminents artistes polonais de la deuxième moitié du XXe siècle, c'est dire peu de chose. Pour l'art polonais, Kantor signifie ce que signifient Joseph Beuys pour l'art allemand ou encore Andy Warhol pour l'art américain. Auteur d'une vision nouvelle, tout à fait indépendante du théâtre, participant actif des révolutions de la néo-avant-garde, théoricien de l'art peu commun, innovateur solidement enraciné dans la tradition, peintre anti-pictural, happener–hérétique, concepteur ironique : voilà quelques-uns des multiples visages de cet 'artiste total'. Tadeusz Kantor fut en outre un animateur inlassable de la vie artistique dans la Pologne de l'après-guerre, il en fut l'une de principales forces motrices. Ce ne sont pas exclusivement ses œuvres qui décident de sa grandeur, mais lui-même, considéré dans sa totalité, tel un Gesamtkunstwerk spécifique, englobant son art, ses théories et sa vie." (Jaroslaw Suchan, commissaire de l'exposition "Tadeusz Kantor. L'impossible").
Aujourd'hui, c'est mon anniversaire, 1991
un homme de théâtre
Né en 1915, décédé en 1990. Metteur en scène, réalisateur de happenings, peintre, scénographe, écrivain, théoricien de l'art, acteur de ses propres spectacles, professeur à l'Académie des Beaux-Arts de Cracovie, Tadeusz Kantor mérite le nom d'artiste total. Son attitude artistique s'inspire du constructivisme et du dadaïsme, de la peinture informelle et du surréalisme. Tadeusz Kantor fait ses études à l'Académie des Beaux-Arts de Cracovie, avec le professeur Karol Frycz, éminent scénographe de l'entre-deux-guerres. Les premiers spectacles réalisés par le jeune Kantor (ORPHÉE de Jean Cocteau, BALLADYNA de Juliusz Slowacki et LE RETOUR D'ULYSSE de Stanislaw Wyspianski), sont mis en scène par le théâtre clandestin indépandant, fondé par l'artiste sous l'occupation nazie, et présentés dans des appartements privés de Cracovie.
Wielopole, Wielopole, 1980
Après la guerre, Kantor commence un travail de scénographe, principalement pour le Teatr Stary de Cracovie. Il continuera de s'occuper de décors (surtout abstraits) jusqu'à la fin des années 60. En 1947, l'artiste se rend à Paris, et ce voyage lui donnera l'impulsion de formuler sa conception personnelle de la peinture. L'année suivante, Kantor fonde LE GROUPE DE CRACOVIE et participe à la Grande Exposition d'Art Moderne à Cracovie. Au moment où les autorités communistes se mettent à imposer le réalisme socialiste dans l'art, l'artiste se retire de la vie publique. Les tableaux qu'il réalise après 1949 ne seront exposés qu'en 1955, une année-charnière dans la vie de l'artiste.
Qu'ils crèvent, les artistes, 1985
C'est en effet à cette date qu'à l'initiative de Kantor, un groupe d'artistes plasticiens, de critiques et de théoriciens de l'art, fonde à Cracovie le théâtre CRICOT 2, champ libre à la mise en pratique de ses idées artistiques. La première création de Cricot 2 fut LA PIEUVRE d'après Witkiewicz (1956). Le metteur en scène y met en relief la collision d'un texte sublime et d'un environnement vulgaire et banal, celui d'un café. LA PIEUVRE expose les éléments caractéristiques du style théâtral de Kantor: les acteurs se meuvent comme des fantoches, tandis que les techniques de construction des scènes remontent aux films muets.
Le spectacle suivant de Cricot 2, CIRQUE, d'après le drame d'un membre fondateur du groupe, le peintre Kazimierz Mikulski, présente une autre composante de l'art de Kantor: l'emballage. L'artiste utilise des sacs en plastique noir, dont il enveloppe les acteurs. L'emballage devait dérober les vraies formes des personnages et des objets, et les transformer en une substance homogénéisée. L'étape suivante fut le passage de l'emballage au "théâtre informel" (1960-62), théâtre automatique, régi par le hasard, par le mouvement de la matière. Le spectacle du "théâtre informel", LE PETIT MANOIR, d'après Witkiewicz (1961), ôte aux acteurs toute individualité, en les reléguant au rang d'objets.
La machine de l'amour et de la mort, 1987
Le "théâtre informel" s'avère toutefois insatisfaisant pour son créateur : Kantor le trouve trop complexe, comportant de nombreux éléments superflus. L'idée du "théâtre informel" fut donc bientôt supplantée par celle du "théâtre zéro", dépourvu de toute action ou intrigue (1962-1964). L'illustration la plus fidèle des principes du "théâtre zéro" fut le spectacle LE FOU ET LA NONNE d'après Witkiewicz, mis en scène par Kantor en 1963.
Ses recherches dans le domaine de la pratique et de l'esthétique des actions scéniques mènent Kantor au-delà du théâtre dans son acception traditionnelle. En 1965, il réalise les premiers happenings en Pologne: CRICOTAGE et LA LIGNE DU PARTAGE. Deux ans après, ce sont les célèbres happenings LETTRE et HAPPENING MARITIME PANORAMIQUE. Kantor affirme que le happening est une continuation logique de ses recherches et de ses actions dans les domaines du théâtre et de la peinture.
"Jusqu'à présent, je prétendais subjuguer la scène, dorénavant je renonce à toute scène, c'est-à-dire à l'espace qui reste dans une relation définie avec les spectateurs. Dans ma recherche d'un espace nouveau, j'ai à ma disposition, en principe, toute la réalité de la vie." (Kantor cité par Jan Klossowicz, "Tadeusz Kantor").
La Classe morte, 1975
Las du happening, Kantor se remet finalement à faire du théâtre. En 1972 il met en scène LES GRÂCES ET LES EPOUVANTAILS d'après Witkiewicz, spectacle qui assimile toutefois certains éléments du happening. Le spectacle LA CLASSE MORTE, mis en scène trois ans plus tard, marque le début d'un autre courant dans la création théâtrale de Kantor, désigné par lui-même comme "théâtre de la mort". C'est à ce courant qu'on rattache ses œuvres les plus importantes et les plus célèbres: WIELOPOLE, WIELOPOLE (1980), QU'ILS CRÈVENT, LES ARTISTES (1985), JE NE REVIENDRAI JAMAIS (1988) et AUJOURD'HUI, C'EST MON ANNIVERSAIRE (1991), ce dernier n'ayant été mis en scène qu'après la mort de l'auteur. Ces derniers spectacles ont une thématique qui se concentre sur les motifs de la mort, de l'écoulement du temps, de la mémoire et de l'Histoire qui y est pérennisée. Les spectacles du "théâtre de la mort" mettent en relief le principe de la "Réalité de la plus Basse Importance", présente dans toute l'œuvre de Kantor.
Wielopole, Wielopole, 1980
"Ce principe – affirme-t-il – m'oblige à placer les choses le plus bas possible et à les présenter par le moyen de la matière la plus basse, misérable, désarmée, dénuée de dignité, voire abjecte." (Cité par Jan Klossowicz, Tadeusz Kantor).
"Dire de Tadeusz Kantor qu'il est l'un des plus éminents artistes polonais de la deuxième moitié du XXe siècle, c'est dire peu de chose. Pour l'art polonais, Kantor signifie ce que signifient Joseph Beuys pour l'art allemand ou encore Andy Warhol pour l'art américain. Auteur d'une vision nouvelle, tout à fait indépendante du théâtre, participant actif des révolutions de la néo-avant-garde, théoricien de l'art peu commun, innovateur solidement enraciné dans la tradition, peintre anti-pictural, happener–hérétique, concepteur ironique : voilà quelques-uns des multiples visages de cet 'artiste total'. Tadeusz Kantor fut en outre un animateur inlassable de la vie artistique dans la Pologne de l'après-guerre, il en fut l'une de principales forces motrices. Ce ne sont pas exclusivement ses œuvres qui décident de sa grandeur, mais lui-même, considéré dans sa totalité, tel un Gesamtkunstwerk spécifique, englobant son art, ses théories et sa vie." (Jaroslaw Suchan, commissaire de l'exposition "Tadeusz Kantor. L'impossible").
Aujourd'hui, c'est mon anniversaire, 1991